Parfois, quand le ciel se faisait gris, envahi par ces boules de cotons salies, Billie aimait sortir, se promener dans le parc. Il lui arrivait de se faire surprendre par les pleurs de ces moutons grisâtres mais cela ne l'inquiétait guère ; il suffisait qu'elle rentre au château se sécher devant la cheminée. ou même qu'elle fasse disparaître l'eau de ses vêtements d'un simple mouvement de baguette.

Après tout, chaque problème avait une solution simple et rapide chez les sorciers.

Du moins, c'est ce que Billie avait tout de suite pensé lorsqu'elle avait commencé à appréhender ce monde étrange et fascinant l'année de ses onze ans. Des lunettes cassées ? Un coup de baguette et c'est réparé. Un mal de ventre ? Un potion et tout est oublié. Tout était simple, aucun problème ne restait bien longtemps.
Mais, il lui était apparu par la suite que ces pensées d'enfant naïve étaient bien erronées. Ici aussi, il y avait des problèmes. Elle avait entendu parler d'une bataille, ici même dans cette école qu'elle considérait comme l'endroit le plus sûr de la terre. Des batailles, une guerre, des discriminations, des meurtres. Tout n'était pas rose.

Et cette journée humide ne ferait que confirmer ses pensées.
Elle s'était levée tranquillement en ce samedi, encore groguie de sa nuit passée à se battre avec ses couvertures. Il n'était pas rare que le sommeil joue à cache-cache et malheureusement, elle perdait souvent. Au moins, aujourd'hui n'était pas un jour de cours.

Habillée et rassasiée elle avait d'abord erré dans le château, cherchant quoi faire, qui embêter. Sa baguette a la main qu'il triturait sans cesse, elle avait ainsi croisé quelques camarades mais très vite l'ennui l'avait gagné. C'est comme cela que l'idée lumineuse d'aller embêter le calmar géant avait germé dans sa petite tête d'inconsciente. Bien contente de cette perspective amusante, elle avait filé jusqu'au lac, courant presque et manquant de se rétamer dans le grand escalier alors que celui-ci effectuait un énième changement d'itinéraire.

Elle avait abordé les rives du lac noir emmitouflée dans une cape épaisse et rembourrée. Il ne faisait pas froid pour un jour d'octobre mais un vent glacial et inégale se réveillait erratiquement, vous glaçant le sang. Bien décidée à rameuter le mollusque géant, elle se fit un petit tas de pierres qu'elle commença à jeter une à une, le plus loin possible, brisant le pétrole de cette surface lisse et calme.